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mardi, février 15 2011

Les filles de la TV

                                                         (Alexia Chung en 2009, animant l'émission "it's on" sur MTV)

Les avis sont très partagés sur l'influence réelle des animatrices T.V. sur la mode. Les prescripteurs et stakhanovistes de la tendance considèrent en général  que l'arrivée, sur un plateau d'une émission populaire, d'une tendance (vêtement ou mobilier) signifie qu'elle est out et que l'on peut passer à autre chose. Car, soyons francs, la Télévision et la tendance pure et dure n'ont jamais fait bon ménage. Peu d'émissions sur la mode arrivent à  montrer autant d'énergie créative que les magazines de mode sur papier. Car, pour plaire au plus grand nombre, elles se retrouvent  à "enfoncer des portes ouvertes". Pour mémoire, citons les reportages redondants de Viviane Blassel sur TF1 qui, dans les années 90 pouvaient décourager n'importe quel jeune qui voulait travailler dans la mode. L'exception en France, c'est Canal+ qui peut se permettre de produire de l'audace et du style et qui même pour "le grand journal", avec l'air de ne pas y toucher, s'est réservé un staff de stylistes actif et un panel de marques justes et dans le coup.

Car finalement, ce sont les émissions musicales et culturelles qui véhiculent le mieux la mode. Créees pour un public précis et averti, elles osent, et certaines de leurs présentatrices en récoltent une aura d'icône de mode. Je ne m'y attarderai pas plus, vous les connaissez toutes. Celles qui nous intéressent aujourd'hui, ce sont celles qui sont regardées par des millions de gens, celles, parfois plus poignantes, qui n'ont rien demandé, ne prétendent à rien mais qui finalement résument, une décennie passée, le style de leur époque

                                                 Denise Glaser a animé Discorama de 1959 à 1975 avec chic et panache.

Denise Glaser, C'est la première qui a eu du chien. Aux débuts de la télé, faire du populaire n'avait effleuré l'esprit de personne. Des gens très sérieux en cravate ou des dames droites comme des i avec colliers de perles présentaient donc sur un ton docte des points de vue sérieux. Le noir et blanc ambiant et les génériques à effets de violons accentuaient l'effet dramatique. Au début donc, on ne rigolait pas à la télé. Denise Glaser elle, a été la première dont pas mal de femmes ont eu envie de copier le style. Cette façon de se tenir assise, de jeter la tête en arrière, cette voix grave un peu snob. Il me semble même l'avoir vue dans des images d'archives avec un fume cigarette et une petite robe noire, très Audrey Hepburn. Elle était "in". Pour en juger, vous pouvez voir ici ses interviews de Gainsbourg, Dali, Dutronc et Reggiani.

                                                                Audrey Pulvar et ses lunettes "façon époque Giscard"

Le cas d'Audrey Pulvar est intéressant. Ses lunettes de vue, pourtant aujourd'hui un classique de modeux, donna lieu il y a un an à une polémique hallucinante. Des internautes créèrent même une page Facebook "contre les lunettes moches d'Audrey Pulvar"... Lunettes moches!  Des lunettes adoubées par Tom Ford et Anna Wintour!!!... Le débat fut relayé discrètement dans la presse fashion. Personne ne prit de positions. On ne pouvait pas raisonnablement traiter ouvertement plus de 2000 internautes de ringards. L'affaire fut classée mais fit jurisprudence dans la mémoire des autorités de la mode: il y a bien une longue période d'incubation entre la naissance d'une tendance pour branchés jusqu'à son autorisation d'entrée à la télé.

                                                                   Anne Sinclair et son pull en mohair (milieu des années 80)

Rétrospectivement, les années 80 furent des années particulières en mode. Un goût pour le motif "triangle" donna lieu à des fantaisies graphiques et nombre de pulls, sweat-shirts ou combinaisons de ski, se retrouvèrent ainsi avec des motifs triangulaires en plein milieu de la poitrine sans que personne ne trouve à redire. Ce fut le cas de cette journaliste sérieuse qui était regardée par la France entière le dimanche soir. On ne sait ce qui se passa réellement: est-ce Anne Sinclair qui imposa le pull? Ou une styliste de plateau? Le choix d'une styliste reste peu probable, même si porter un pull en mohair avec un triangle dessus était normal à l'époque. J'imagine volontiers la styliste en pleurs dans les loges, menaçant de démissionner. Toujours est-il, Anne en portait souvent: le pull eu un succès retentissant, fit la fortune d'un fabricant de fil à tricoter, habilla les femmes pendant une décennie et fini sa carrière, comme il se doit, "made in India" dans des marchés de bourgades.

(à suivre... où il sera question de coiffure et de bimbos... Stay tuned!)